En fonction de ce que nous vous avons montré dans les différents chapitres sur la biochimie la neurobiologie la neuropathologie la génétique on peut faire 2 conclusions incontestables :
- Nous avons à notre disposition une surabondance de données solides sur cette maladie d’Alzheimer
- La deuxième conclusion est que pour l'instant ces données ne suffisent pas pour vaincre la maladie. Même si les acteurs moléculaires majeurs ont été bien identifiés il y a plus de 40 ans.
D'où cette interrogation sur l'utilisation des informations disponibles d'une part et l'échec thérapeutique actuel d'autre part. Où est l'erreur ?
Le premier espoir thérapeutique portait sur une régénération du système cholnergique. L'idée de départ vient de Peter Davies. Elle est simple : la mémoire repose avant tout sur un réseau de neurones cholinergiques. Restituer cette acétyl choline qui fait défaut permettrait de restaurer tout ou partie des fonctions cognitives. Des candidats-médicaments ont été découverts. Ils inhibent l'enzyme qui dégrade l'acétyl choline, ce qui élève ainsi les taux de ce neuromédiateur. Des candidats-médicaments ont été découverts. Les essais thérapeutiques ont été concluants. L'effet thérapeutique bénéfique a conduit à une autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces médicaments (donépézil, galantamine et rivastigmine) ont été prescrits et ils étaient remboursés par la sécurité sociale. Mais avec le temps il a bien fallu constater que les effets sont plutôt modestes, avec souvent des effets secondaires indésirables conséquents. Ces médicaments ne sont plus remboursés.
On peut s'interroger sur ces agences du médicament (USA (FDA), Europe (EMA) qui donnent des AMM au compte goutte, l'exigence règlementaire stricte conduisant à des essais thérapeutiques de plusieurs centaines de millions d'euros. Tout cela pour ce résultat pathétique.
Si on peut se réjouir d'avoir tenté cette approche, on voit bien qu'il y a un dysfonctionnement quelque part. L'explication est multiple. On peut citer la précipitation pour être gentil et surtout les lobbys puissants des big pharmas (ce qui ne va pas me faire beaucoup d'amis). Car au final ce marché éphémère a permis de remplir les caisses, vu le marché mondial qui est énorme (suis-je complotiste?).
La deuxième partie est encore plus intrigante. Il s'agit des anticorps monoclonaux dirigés contre le peptide Aß des plaques amyloïdes. Le remède miracle...possible.
Comme dans une série policière à suspense, tous les indices pointaient vers le coupable de la neurodénéresgence Alzheimer : le peptide Aß. Tant d'indices que l'on était obligé d'y croire, sauf ceux qui ont regardé des cerveaux humains de prés (post mortem bien entendu). L'indice le plus fort étant ces mutations sur le gène APP qui comporte la séquence Aß et provoque inévitablement la forme jeune de la maladie d'Alzheimer. Le dogme était lancé et le découvreur de la mutation anobli.
Il fallait donc éliminer ces dépôts de Aß dans le tissu cérébral des patients. L'exploit a été de montrer que des anticorps dirigés contre ce peptide neurotoxique éliminaient les plaques amyloïdes chez les souris transgéniques, puis chez l'homme.
De nombreuses équipes se sont attelées à la tâche. Et des essais thérapeutiques ont été menés, porteurs d'espoir puis abandonnés, en phase 2 voire en phase 3. Actuellement le monoclonal adopté aux USA est le quatorzième du nom. Ce serait le bon. Mais pour les formes débutantes Alzheimer, et avec parfois des effets indésirables sérieux comme des hémorragies, parfois fatales.
L'agence européenne du médicament, saisie du dossier, a d'abord refusé l'autorisation de mise sur le marché. Mais par on ne sait quel hazard (et ici je ne vais pas me répéter) l'autorisation vient d'être accordée.
Ce qui n'est pas dit, c'est que les dépôts Aß se déposent dans le parenchyme nerveux (donc en périphérie des neurones) mais aussi sur la paroi des capillaires sanguins. A forte dose dans certains cerveaux, cela s'appelle l'angiopathie amyloïde.
De ce fait dans son principe le danger de fixation des anticorps monoclonaux sur ces dépôts Aß sanguins, et les risques d'hémorragie, peuvent être expliqués. Et ils seront toujours incontournables.
On est donc obligé de conclure que cette voie thérapeutique a un avenir limité. Trois fois hélas.
En conclusion, et sans vouloir faire la morale, nous avons constaté que même dans le domaine de la science, académique, médical et industriel, le dogmatisme, l'idéologie, la facilité, (et le manque de chance peut être) on fait perdre 30 ans à la recherche thérapeutique sur la maladie d'Alzheimer. Inutile de dire que ceux qui n'étaient pas dans la mouvance Aß neurotique n'étaient pas financés.